Georges Jules-Victor Clairin

(1843-1919)

Portrait d'une Actrice

Georges Clairin

(Paris, 1843 – Belle-Ile-en-Mer, 1919) 

Froufrou, c. 1882


Huile sur sa toile d’origine

Dimensions : 

  • H: 151 cm x L: 90,5 cm (Sc)
  • H: 163,5 cm x L: 104 cm (Ac)

Provenance : 

Collection personnelle de Duane Van Vechten & Edwin C. Lineberry à Taos (El Rancho de la Mariposa (Butterfly Ranch), Nouveau-Mexique).V
A partir de 1994 au Van Vechten – Lineberry Taos Art Museum, Nouveau-Mexique (Etats-Unis).



Notice d’œuvre


L’œuvre de Georges Clairin est protéïforme, elle ne peut se résumer à un style ou un genre de peinture. L’artiste est si doué qu’il maîtrise aussi bien le portrait peint, le tableau d’histoire, les scènes orientalistes que les décors d’opéra et de théâtre. Georges Clairin est un artiste surprenant et séduisant. Il sait rendre ses sujets irrésistibles à l’instar du personnage de Froufrou dont il décline avec brio le tumulte de son existence.

Froufrou est le titre d’une comédie dramatique écrite par les auteurs des livrets d’Offenbach, Henri Meilhac et Ludovic Halévy, représentée pour la première fois, à Paris, au théâtre du gymnase, le 30 octobre 1869. Froufrou est le surnom de Gilberte Brigard, l’héroïne de la pièce. Elle le tient du bruit charmant que fait le frottement de ses robes de soie précédant son arrivée. L’ambiguïté du personnage de Froufrou vient de son attitude changeante, traversant les épisodes de la vie tantôt avec le dilettantisme de la jeunesse parisienne de l’époque, tantôt avec le point des convenances. Or, pour incarner ces tempêtes intérieures, il fallait « un interprète d’une incomparable virtuosité1 » que l’on trouva en la présence de l’actrice la plus célèbre de son époque et grande amie du peintre : Sarah Bernhardt. Cette dernière reprend le rôle dans le cadre d’une tournée européenne en Angleterre, Belgique et Danemark à partir du mois de juin 1880, en préparation de la tournée française de vingt-cinq représentations qui débute en septembre.

Sarah Bernard joue à nouveau Froufrou au théâtre de la Porte-Saint-Martin en septembre 1883. Le rôle de Froufrou est l’un des plus grands succès personnel de Sarah Bernhardt. Elle incarne parfaitement la parisienne excentrique. Sept changements de costumes sont prévus pour la grande tragédienne. Le public parisien est conquis par son interprétation : « (..) dans Froufrou, elle nous fait trembler et pleurer tout à la fois (...) dans cette succession d’actes où l’héroïne doit être tour à tour comédienne et tragédienne, tantôt frivole, pétulante, capricieuse et légère, tantôt sérieuse, touchante, violente et emportée »

. Sarah Bernhardt incarne à la perfection l’ingénue parisienne des années 1880. Comme l’explique le critique dramatique Francisque Sarcey : « si l’on veut dans cent ans connaître les mœurs de ces dames à ce moment de notre siècle (...) », il faudra se pencher sur Froufrou qui appartient désormais à la galerie des héroïnes théâtrales auprès d’Ophélie, Sylvia, Rosine ou Henriette », « qui tou(te)s sentent la vie du modèle et le pouce de l’artiste qui observe ».

Rien d’étonnant à ce que le personnage théâtral deFroufrou ait marqué Georges Clairin, intime et portraitiste attitré de Sarah Bernhardt laquelle orchestrait la mise en scène de sa propre existence et maniait l’art de la représentation hors des planches de théâtre. Au Salon de 1876, Georges Clairin avait présenté l’envoutant portrait, en robe de satin blanc, de Melle Sarah Bernhardt, sociétaire de la Comédie Française, chez elle, rue de FortunyL’œuvre a remporté à cette occasion un vif succès. La jeune femme était réputée pour son élégance et la beauté de ses costumes qu’elle portait à la scène comme dans la vie quotidienne. A lire ses contemporains, le blanc était sa couleur de prédilection. L’un de ses costumes de bal, évoqué par le chroniqueur du Gaulois en 1880, ressemble d’ailleurs à si méprendre à celui que porte notre Froufrou.


Notre tableau est directement inspiré de cette comédie dramatique et du jeu de Sarah Bernhardt dans le rôle titre. Il représente Froufrou en toilette de bal et fait directement référence à une autre peinture que l’artiste présente au Salon des Artistes Français en 1882 (n°580). A son exposition, l’œuvre obtient un succès phénoménal. On parle de la « délicieuse Froufrou4 », on admire son « joli accent moderne5 » ; on la distingue « par une grande finesse de tons et infiniment de brio6 ». Le journaliste Louis Enault lui consacre jusqu’à deux pages entières de description dans son livre sur le Salon de 1882 évoquant la sensualité de la pose comme du modèle : « Je vous défie, quand elle passe, de ne pas retourner la tête. Le corsage éclate, la jupe bouillonne, les paniers se gonflent et la croupe frétille ».

Le peintre a su habilement tirer parti d’un sujet léger grâce à sa palette éclatante et son dessin parfait : « Ce Froufrou sonne comme un clairon de gloire de Clairin ».Georges Clairin remporte une médaille de 3e classe pour sa participation au Salon et la toile est rapidement popularisée par une gravure de Charles Koepping, pour la maison Georges Petit, qui inonde les intérieurs bourgeois.


Le succès pousse Georges Clairin à multiplier les représentations de cette jeune parisienne à la beauté éblouissante. En plus de notre tableau, une troisième version du personnage de Froufrou existe vêtue d’une cape rose. De nos jours, elle est connue grâce à une gravure diffusée sous le titre de Pierrette puisque son chapeau pointu est analogue à celui des Pierrots de carnaval. Le rideau de scène au second plan ne trompe pas. A travers Pierrette, il est toujours question de rattacher à l’univers théâtral la description d’une jeune parisienne richement vêtue pour un bal déguisé.

C’est précisément ce qui éloigne ces deux versions de notre tableau construit comme le portrait d’une élégante qui prend la pose dans le grand salon de son hôtel particulier. La jeune femme au buste dégagé et au regard aguicheur dévoile son sens aigu de la mode. Un nuage de rubans, de dentelles et de perles,recouvre un corps de femme parfaitement dessiné. Le talent du peintre transparait également dans le chromatisme délicat de sa robe tout en nuance de teintes et en effets de matière. Son pardessus est posé sur un guéridon de bois doré rappelant les lignes sinueuses des boiseries rocailles, de la cheminée et de son trumeau. L’intérieur est meublé conformément au goût de l’époque pour le mobilier du XVIIIe siècle. Le peintre a su jouer des lignes ondulatoires pour séduire le spectateur. La beauté du modèle rappelle d’ailleurs celle des figures de femmes que Georges Clairin peint à la même époque pour les décors de l’Eden-Théâtre, 7 rue Boudreau à Paris. La ressemblance est frappante avec le visage esquissé reprenant la pose de la figure centrale du Char de la Danse pour le grand plafond de la salle de spectacle.

Le croquis original avait été confié par Georges Clairin à Jean Alboize pour illustrer son article publié dans la revue l’Artiste sur les peintures décoratives de l’Eden-Théâtre . Modèle d’atelier ou danseuse, Georges Clairin choisit cette jeune femme qui incarne le mieux le type féminin de son époque.


L’admiration portée à cette série d’œuvres représentant Froufrou et Pierrette provient des qualités exceptionnelles de sa peinture qui : (...) s’essaye au besoin sur les sujets vaporeux et badins avec la sûreté de main d’un Watteau, d’un Fragonard ou d’un Lancret. »L’image de cette élégante parisienne a séduit un couple d’amateurs américains, Duane Van Vechten (1898-1977) et Edwin C. Lineberry (1912-2002), qui possédait l’œuvre. Duane grandit dans une famille aisée et cultivée. Elle avait étudié au Art Institute de Chicago et à la Art Students League de New York City pour devenir peintre. Son oncle Carl Van Vechten était un écrivain et photographe, mécène actif de la scène artistique africaine-américaine dite de la Renaissance de Harlem. Duane et sa famille avaient l’habitude de se rendre chaque été au Nouveau Mexique où elle s’installe avec son époux, diplômé de l’Institut de Photographie de New-York, à partir de 1941. Ensemble, ils ont parcouru le monde et ont formé une collection de peintures, incluant les œuvres des membres fondateurs de la Taos Society of Artists. Après la mort de son épouse, Edwin C. Lineberry a ouvert un musée dans leur résidence de Taos, El Rancho de la Mariposa, en 1994. Il avait vocation à présenter les œuvres de Duane et une partie de leur collection d’art dont faisait partie notre tableau, jusqu’à sa fusion avec l’Institut Nicolai Fechin, en 2003.



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